Ecrivains Accrotéviens

Assis sur une tombe je me réveille un miroir à la main, je me regarde, le visage pâle comme une ombre, les paupières ridés et les oreilles rouillés par le flux des atrocités qu’elles ont pu entendre durant toute ma vie.

Sur la face du miroir je revois mes journées semblables: « j’attends l’espoir, je tourne en rond histoire de tuer le temps, j’attends le lendemain, j’attends le surlendemain… » J’ai attendu toute ma vie mais chaque jour passé m’enfonçait un peu plus dans l’abysse du désespoir…

Je me revois encore une fois et je regrette le temps perdu quand j’avais encore mon enveloppe charnelle et tout l’amour propre que je refoulais... Mais c’est ainsi la vie, on y peut rien, je n’y peux rien puisque c’est seulement quand le couteau arrive à la gorge et quand l’agonie aspire notre âme qu’on comprend et qu’on reconnaît tous les tords qu’on se fait.

Maintenant, je n’ai qu’à attendre et subir le sort réservé aux idiots qui n’ont rien compris.
On dit que la loi ne protège pas les imbéciles, je crois que dieu aussi ne les protège pas.

Ma douce

Je l’enlace, je lui prends tendrement la main et je la prends dans mes bras, elle s’assoit sur ma cuisse et je lui caresse alors légèrement le bras, j’essaye d’entendre vibrer son cœur, mais elle demeure sans vie comme une fane. J’essaye alors de lui donner vie, lui insuffler un peu de mon âme et de mon énergie vitale, faisant délicatement vibrer ses cordes, mais je ne peux toujours pas satisfaire ses envies et les miennes. Pourquoi mes doigts glissent-ils sur son corps de bois poli ? Et qu’est-ce qui l’as rendu aussi blasée ?

Je la remets à sa place, sur mon vieux lit. Je regarde sa silhouette en forme de huit, son petit corps et les quelques petits accidents sur ses bords, mes yeux tombent ensuite sur le poussiéreux chevalet ; dont les cordes attachées – que je suis avec les yeux – flirtent avec les frettes de la surface noire du manche sans vraiment les toucher, et j’arrive enfin à l’extrémité du manche de l’italienne guitare.

Quelques petites fissures traversent la face supérieure couleur marron fauve de la guitare que j’entends raconter l’histoire de mon instrument, tandis que la surface inférieure et les bords marron de couleur, disent qu’il lui reste encore à vivre malgré les quelques morceaux de la mince couche de bois qui commencent à se détacher.

Même en sachant que je suis condamné à mort, le sourire sur mes lèvres ne s’efface pas, je n’ai jamais été aussi heureux de ma vie. Seul le souvenir de ses femmes au bord du gouffre et souffrant de toute leur âme a fait naître autant de bonheur dans mon cœur noyé dans la tristesse la plus sombre et gelé dans l’hiver de la peine. Le plus doux souvenir que je garde précieusement et qui m’a fait ressentir un plaisir extrême est ma première victime…
C’était un mardi après-midi, je venais de descendre les dernières marches du grand escalier de mon université de droit. Je marchai seul, sans aucun but, réfléchissant à mon avenir et essayant d’enterrer les mauvais souvenirs qui rongent mon passé et qui troublent mon présent. C’est alors que je vis une jeune fille, pas spécialement jolie mais qui fit vibrer mon cœur d’une pulsion meurtrière. J’étais bouleversé, choqué, comment un futur avocat, fervent connaisseur de la loi pouvait ressentir autant d’excitation face à un crime futur sur une jeune fille qui ne faisait que passer par là, par hasard. Mais comment aurais-je pu refouler autant de jouissance? Un sentiment aussi fort que l’on n’a jamais ressenti au part avant, on voudrait qu’il sure toute une vie !
Alors je m’approchai d’elle et l’emmena. Bizarrement elle me suivît comme si elle était hypnotisée, sans mot dire, puis finit par lâcher : « Qui êtes-vous ? » Sa voix …. Si innocente me fît rire. « Ne vous inquiétez pas, je suis avocat » dis-je dans un sourire sadique. Je la fis rentrer dans l’appartement sal que je fréquentai, et l’attachai à une chaise ; elle se mit alors à pleurer, regrettant de m’avoir laissé l’emmener sans réagir. Son visage en larmes était tellement excitant que je laissai passer un gémissement de plaisir, elle dit dans un sanglot « Qu’allez vous me faire ? » J’eus tout d’un coup un fou rire diabolique. Au fond de moi je sentais que je n’étais plus le même, comme si la simple vue de cette fille laissa place à un démon qui écrasait complètement le garçon sage que j’étais, comme si toute la tristesse de mon enfance se matérialisa en ce démon qui prit possession de mon corps et de mon cœur, qui vengea la douleur que je voulais oublier au fond de ma poitrine, et qui fit de ma tranquille âme un fantôme qui ne faisait que hanter un corps qui n’était plus le sien. Dans les profondeurs de mon cœur qui m’appartenait encore, je me détestais, j’aurais préféré mourir que de toucher à un seul cheveu de cette malheureuse fille, mais cette pulsion négative était plus forte que ma volonté, et seul le désir de la voir souffrir persistait.
Je m’assis en face du visage en larme et méditais la punition qu’il aurait car il était venu au monde. Et c’est à ce moment qu’un tourbillon d’imagination naquit en moi :
Qu’allais-je lui faire? Lui donner des coups de couteaux le moins profond possible pour qu’elle puisse agoniser sous mes yeux, ou la brûler vif ? je me penchais vers elle et répondis à sa question : « Ce que tu veux »
Je pouvais lire dans ses yeux la terreur et la peur : « Pourquoi… pourquoi moi? Qu’est-ce que je vous ai fait ?... Pourquoi?» Arriva-elle à dire dans un soupir qui me révéla que je l’avais vaincu et que si je continuai, j’allais la détruire :
« Je ne sais pas, tu m’as attiré comme un bon repas aurais attiré un homme affamé.»
Je pris un couteau bien eguiser et lui coupais un doigt et lui brisais l’autre main avec la mienne. Ah ! Les doux sons qu’étaient ses cris, je pouvais ressentir sa douleur, j’étais heureux qu’enfin quelqu’un souffre comme j’ai souffert. Je me sentais fort, invincible, à chaque hurlement je me sentais maître du monde et capable de l’impossible.
Puis je lui bandais les mains et lui demandais avec inquiétude : « J’espère que tu n’as pas trop mal ! » La pauvre fille essaya de fuir, mais, d’un simple regard elle comprit qu’elle ne pouvait rien faire et elle renonça en noyant son visage de larmes ; je m’assis à ses genoux et l’interroger sur un ton maternel : « Pourquoi pleures-tu? Qu’est-ce qui t’a fait perdre ton beau sourire et briser ton cœur ? »
« Pourquoi ne me tuez-vous pas directement ? »
« Pour te voir souffrir, car mourir sans souffrir c’est trop facile »
Cette jeune fille était, elle aussi triste ; je comprends maintenant pourquoi elle m’a laissait l’emmener, elle n’en pouvait plus, elle voulait en finir et préférait me laisser le faire.
Je lui coupai la peau et là, je vis ses veines bleuâtres qui n’attendaient qu’à être ouvertes pour libérer le sang qui y coulait, alors j’exhaussais leurs vœux et tranchais toutes celle que je trouvais. Elle suffoquait de douleur, et je suffoquais de bien-être. Pour accentuer son malheur et pour prolonger son cauchemar, le couteau enfonça sa jambe et se plongea au fond de son cœur.
Je compris qu’elle n’avait vécu que pour ce jour, pour que je puisse jouir d’autant de plaisir jusqu’à ce que j’en fût comblé…

Passion noire, couleur ébène
Fait nous vivre ton enfer
Passion noire, le rêve d’un éden
Transperce-nous de ta lame

Passion noire, fais-moi savoir
Dois-je résister ou bien céder ?
Passion noire, nom de dieu
Dois-je lui dire ou en silence l’aimer ?

Tu es mon élue, celle que j’aime tant, celle que parfois j’oublie, celle que je délaisse. Tu es celle qui a toujours été loin de moi mais que j’ai sans cesse désirée.

J’aime ton sourire, j’aime ton ironie et tes sarcasmes. Aussi, j’aime bien tes cheveux, parfois tes yeux... Mais franchement tout ça tu peux le garder, parce que moi je veux seulement ton cœur.

Je me laisse, parfois, bercé par l’illusion, espérant aimer une autre, t’oublier chouia, me faire aimer chouia... Mais mes fantaisies s’envolent dès que tu reviens dans mon foutu crâne, et je sens que je te trompe encore une fois.

Je ne trouve nulle part le pacte
Le pacte qui me lie à toi
Mais à quoi bon chercher
Ce qui ne n’existe pas

Passion noire, couleur ébène
Fait nous vivre ton enfer
Passion noire, le rêve d’un éden
Le paradis n’existe pas